Voir et écouter Frédéric Chopin (1810-1849) pour mieux l'entendre, plonger dans sa vie parisienne faite de nombreuses leçons de piano, de rares concerts et de compositions cent fois remises sur le métier: c'est ce que propose une ambitieuse exposition à la Cité de la musique à Paris.
"Chopin à Paris, l'atelier du compositeur", présentée à la Cité à partir de mardi et jusqu'au 6 juin dans le cadre du bicentenaire de la naissance du musicien, est une initiative commune du Musée de la musique et de la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Sur 450 m2, 125 pièces (manuscrits autographes, éditions rares, tableaux, dessins et instruments) invitent à déambuler dans l'univers de Chopin. Un parcours très sonore, qui permettra aux visiteurs d'écouter jusqu'à 3h45 de pages musicales servies par les plus grands interprètes (d'Alfred Cortot à Maurizio Pollini). Jusqu'à un "salon de cinéma" où l'on pourra entendre du Chopin dans des films de Jean Renoir ("La Règle du jeu"), Ingmar Bergman ("Sonate d'automne") ou encore Roman Polanski ("Le Pianiste").
L'exposition se déroule en trois temps. Le visiteur est d'abord invité à découvrir le Paris où arrive Chopin en octobre 1831, cette "Pianopolis" courue par les maîtres du clavier (Kalkbrenner, Hiller) et dominée par les maisons Pleyel et Erard.
"Dans la première moitié du XIXe siècle, la facture de piano a explosé. A la mort de Chopin, il y avait 200 facteurs de piano à Paris, employant 3.000 ouvriers et sortant 9.000 instruments par an", explique à l'AFP Thierry Maniguet, conservateur au Musée de la musique.
L'heure est à la virtuosité et à l'invention d'instruments de torture pour l'obtenir, comme le "dactylion" d'Henri Herz, censé favoriser l'écartement entre les doigts et très décrié par Chopin. "Il était beaucoup plus adepte d'un jeu naturel. Chopin est peut-être l'inventeur du piano moderne", souligne Thierry Maniguet.
Chopin aimait la subtilité des sonorités de la marque Pleyel, idéale pour l'intimité du salon que le pianiste préférait de très loin à la salle de concert. L'exposition présente trois claviers de cette firme: un piano grand patron (demi-queue) de 1839, un pianino (petit piano droit) de 1836 et un rarissime piano carré de 1828. Sans parler d'un piano à queue Broadwood de 1847, que Chopin a utilisé à Londres et que le visiteur pourra entendre, joué en direct, chaque samedi.
La deuxième partie de l'exposition permet de pénétrer "les cercles artistiques et amicaux" de Chopin. "Son amitié avec Eugène Delacroix et George Sand lui a ouvert les portes du Paris intellectuel", rappelle Cécile Reynaud, conservatrice à la BnF, devant le manuscrit de "La Mare au diable", oeuvre dédiée à Chopin par son égérie. Le pianiste-compositeur s'intègre aussi dans la Polonia, cette intelligentsia polonaise en exil à Paris (jusqu'à 6.000 réfugiés) après l'insurrection de Varsovie contre les Russes.
Puis le visiteur entre en quelque sorte dans "l'atelier de Chopin" pour l'imaginer au travail, en train de composer au piano plutôt qu'à sa table, fasciné par Bach, Mozart et admiratif de l'opéra.
"Chopin était très connu pour son indécision, dans le sens le plus supérieur du terme", témoigne Jean-Jacques Eigeldinger, grand spécialiste du compositeur. "Il lui arrivait de corriger son +texte+ encore au cours de ses leçons. Il a mené un véritable combat avec l'encre", explique le musicologue devant le manuscrit largement raturé d'une "Etude".
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