PARIS, 18 mai 2010 (AFP) -
Le piano du XXe siècle vient de perdre l'une de ses grandes figures: Yvonne Loriod, la muse et seconde épouse du compositeur Olivier Messiaen (1908-1992), dont elle fut la principale interprète, est morte à l'âge de 86 ans.
Admise il y a trois ans dans une maison de retraite de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) à la suite d'un coma diabétique, elle y est décédée lundi en fin d'après-midi.
"C'était une personnalité très forte, exceptionnelle dans son domaine, une figure de proue de la découverte de la musique de la seconde moitié du XXe siècle", a témoigné auprès de l'AFP, très ému, le pianiste Roger Muraro.
Née le 20 janvier 1924 à Houilles (Yvelines), Yvonne Loriod a montré très tôt des dons musicaux et des capacités d'apprentissage exceptionnels. Adolescente, la pianiste a déjà à son actif un répertoire comprenant tout Chopin, 22 concertos de Mozart et les 32 sonates de Beethoven.
Au Conservatoire de Paris, où elle décrochera sept premiers prix, elle étudie dans la classe d'analyse d'Olivier Messiaen, en compagnie de Pierre Boulez. A partir des "Visions de l'Amen" (1943), qui datent de cette époque, elle créera toutes les oeuvres avec piano du compositeur.
"Elle a été d'un dévouement total à la cause Messiaen, qu'elle trouvait génial et dont elle a été éperdument amoureuse dès leur rencontre", dit Roger Muraro. Mais le compositeur, d'abord marié à la violoniste Claire Delbos, n'épousera Yvonne Loriod qu'en 1961, deux ans après la mort de sa première femme des suites d'une longue maladie.
Très présente discographiquement (pour les labels Vega, Erato, Ades...), Yvonne Loriod enregistre Debussy, Albeniz ou Berg mais aussi des concertos de Mozart avec... Pierre Boulez, dont elle créera le deuxième livre des "Structures pour deux pianos" (avec le compositeur) en 1961.
Doté d'une technique virtuose, elle offre les premières auditions de pièces d'André Jolivet et Jean Barraqué. Elle révèle au public français des pages de Bartok et Schönberg.
Olivier Messiaen
Mais c'est surtout l'oeuvre de son mari que cette organisatrice hors pair contribuera à diffuser dans le monde entier, tenant au besoin la partie de piano, comme dans la fameuse "Turangalîla-Symphonie", au côté de sa soeur Jeanne Loriod, joueuse d'ondes Martenot.
Une musicienne capable de réduire pour deux pianos le monumental opéra de son mari "Saint Françoise d'Assise", d'orchestrer son "Concert à quatre" et d'apporter les corrections nécessaires aux épreuves de ses pièces. Quitte à renoncer à composer elle-même - seules trois oeuvres de sa main sont connues.
Yvonne Loriod aura aussi été une grande pédagogue, au fil de ses déplacements en Europe ou en Amérique mais surtout au Conservatoire de Paris de 1967 à 1989, où elle transmettra à plusieurs de ses élèves pianistes (notamment Michel Béroff, Roger Muraro et Pierre-Laurent Aimard) la passion de Messiaen.
Selon Roger Muraro, Yvonne Loriod sera enterrée "la semaine prochaine" auprès de son époux, non loin du lac de Petichet à Saint-Théoffrey (Isère), dans le Dauphiné si cher au couple Messiaen.